L’enclave de la Grande Bruyère – Serge Laurent

La Grande Bruyère à Genval

Parcelle à lotir depuis 1965 avec un premier permis de lotir pour trois lots de villas à raison de dix-huit logements par lot, cette propriété privée de 2,16 ha, située sur le versant pentu de la rive droite de la Lasne, a été l’objet pendant plus de 40 ans d’une vive opposition entre un intérêt général et un intérêt privé légitime.

Ce terrain, coincé entre la réserve communale de la Grande Bruyère et la réserve naturelle du Carpu gérée par Natagora, présente une diversité écologique remarquable : dans le haut, des sables bruxelliens podzolisés sur assise yprésienne imperméable, témoins d’une lande exploitée jadis par pâturage et fauchage ; dans le bas, des sources et suintements avec sphaignes et fragments de tourbière de pente.

Cet ensemble constitue un patrimoine naturel et historique local et régional de très grande valeur. Le site représente un enjeu majeur pour la conservation de la biodiversité à l’échelle de la Région wallonne. C’est une des dernières landes à bruyères du Brabant wallon en cours de recolonisation forestière. Il doit être préservé et entretenu.

Fin des années ’70, la propriété est réinscrite en zone verte au plan de secteur, mais après quelques mois elle revient en zone d’habitat et les travaux sont entamés … et rapidement arrêtés en raison de la détermination des habitants.

Près de 20 ans plus tard, après plusieurs projets tous repoussés sur base d’arguments juridiques et de bon aménagement, naît un projet de construction d’un immeuble de septante-deux appartements, comprenant quatre niveaux hors sol et deux niveaux en sous-sol.

Hommes et Patrimoine fédère alors huit associations : APNE, APVLD, Cercle d’histoire, Ligue des familles, Syndicat d’initiative, Entente nationale pour la protection de la nature, LRBPO, RNOB. Ensemble, ils publient « Le Plaidoyer pour la Grande Bruyère » et demandent un Plan Communal d’Aménagement de toute la zone, avec pour objectif de mettre cette zone en Natura 2000 avec les deux réserves contiguës et l’idée de faire de la Grande Bruyère un parc public.

En 2005, surgit un nouveau projet de cinquante-et-un logements en sept immeubles de six à sept niveaux. Cette fois, les mêmes associations renforcées par une dizaine de comités de quartier et autres associations se mobilisent en faveur du rachat par la commune.

En février 2006, Hommes & Patrimoine, avec le concours des 19 associations, organise une manifestation qui réunit quatre cents personnes malgré le froid et la pluie.

Un arrangement amiable avec la propriétaire, impliquant une indemnisation raisonnable, et l’élaboration d’un Plan Communal d’Aménagement sont soutenus par les associations et défendus par Hommes et Patrimoine devant le Conseil communal qui inscrira un montant d’un million d’euros au budget communal. La province soutiendra l’initiative et apportera une aide substantielle. Le contrat d’achat a été signé ce mois de mai 2011 par la commune.

Enfin, un des derniers paysages agro-pastoraux du Brabant sera sauvé et une nouvelle fragmentation des habitats naturels et des espaces disponibles pour la vie sauvage sera évitée.

Mais pendant ce temps, deux menaces continuent à peser sur le site :

– les dépôts de déchets de jardin entraînant l’enrichissement du sol et le développement de plantes nitrophiles ainsi que la naturalisation de variétés horticoles ;

– l’envahissement de la sablière et de la lande par des espèces ligneuses de recolonisation forestière menant à une chênaie à bouleaux dans laquelle se mêle deux espèces invasives, le cerisier tardif (Prunus serotina) et le Robinier (Robinia pseudoacacia).

Toute cette zone requiert donc de façon urgente une gestion conservatoire visant à la restauration de la végétation exceptionnelle qui faisait sa renommée dont notamment, de haut en bas, le Genêt des Anglais, la Jasione des montagnes, la Canche printanière, l’Orchis tacheté, la Succise des prés, et à la protection d’espèces peu communes comme le Lézard vivipare, une araignée mygalomorphe, la Mygale atype (Atypus affinis) ainsi que les sept oiseaux menacés d’extinction, comme le Martin-pêcheur, le Butor étoilé et la Rousserolle turdoïde, qui avaient permis aux prairies et bois des bords de la Lasne d’être repris dans le réseau Natura 2000 .

 Bibliographie

  • RONDELET, Janine, 2008 – Le Réseau Natura 2000 à Rixensart – Rix-Info
  • TAYMANS, Julien, 2007 – PCDN. La Grande Bruyère, une perle naturelle à Rixensart – Rix-info
  • WAUTOT, Michel, 2006 – La Grande Bruyère ou l’esprit et la lettre, Espace-Vie
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