Francorchamps ou l’amnésie collective
Nous publions cet article, car il nous a semblé bien refléter le fossé, que des associations doivent combler pour pouvoir convaincre les politiques et parfois aussi les médias, des problèmes de mise en valeur du patrimoine. En d’autres termes comment remplacer le « Panem et circences » par l’intelligence et l’émotion. Francorchamps est un bon exemple d’une promesse rapidement oubliée « le citoyen ne paiera pas un sou pour le circuit » et de la versatilité des partis, qui, après s’être déchirés mutuellement sur ce dossier en 2005, se congratulent en 2007.
Le 9 mai 2007, Le Soir publiait un article sur Francorchamps, intitulé « Une vitrine prête à briller. » Il était quelque peu étonnant de constater que le ton de l’article était aussi rayonnant qu’un soleil d’été : « Le chantier pharaonique touche à sa fin. Le résultat est à la hauteur de son budget de 25 millions… » ( au départ on prévoyait un bon 17 millions)
Nous étions loin des déclarations indignées des années précédentes, du genre « les Wallons ne payeront plus un franc pour Francorchamps »
Résumons :
En août 2003 on lisait dans ce même quotidien que depuis 1977, une somme de 44.389 millions d’euros avait été dépensée « pour, dans la plupart des cas, les beaux yeux de la formule 1. » On y apprenait que le grand prix de 2004 coûterait la bagatelle de quasi 14 millions à payer à la FIA , et l’on atteignait 18 millions en y ajoutant les taxes et les frais.
Une perte de 4 millions était prévue, elle sera de 4,2 millions.

« Cette immense mer d’asphalte ! »
En juin 2005, le président Di Rupo lançait l’idée d’un Plan Marshall
Toujours en 2005 :
Le 1er juillet, nouveau titre « Grand Prix F1 : la Région banquera . » En effet la région se portait seule garante des 14 millions pour le plateau, si le grand prix ne se faisait pas et de
minimum 3 millions, s’il se faisait. L’article finissait par cette phrase « On est donc loin des grandes déclarations du type – il n’y aura pas un euro d’argent public pour le grand prix- faites il y a quelques mois à peine par le gouvernement. »
Le 21 octobre Le Soir titrait « La région éponge les dettes, dont coût : 15 millions »
Entre-temps commençait le ballet des accusations entre partis. Le nouvel exécutif rendait responsable l’ancien, celui-ci renvoyait la balle et vice-versa.
Le 14 novembre on pouvait lire – Antoine « Kubla est seul responsable »
Le 17 novembre Kubla déclarait « le PS doit assumer ses choix »
Enfin paraissait ce florilège dans l’édition du 16 novembre 2005 :
Grafé (CDH) en 2002. « le vrai débat est la défense des intérêts légitime, de l’honneur de notre pays non seulement, mais aussi des travailleur de toute une région. »
Kubla (MR) en août 2003. « Une nouvelle ère commence pour Francorchamps !(…) Je veux être clair, en tout cas : le contribuable n’ ira pas de sa poche dans cette opération ! »
Daerden (PS) août 2003. « Il convient de s’assurer qu’une telle organisation n’ait pas d’impact sur les deniers publics. » Et en septembre « La vigilance de la Région sera totale vis-à-vis du montage financier présenté pour la formule 1. »
Javeau (Ecolo) août 2003. « Le retour de la F1 à Francorchamps est une bonne nouvelle. »
Kubla, octobre 2003. «L’équilibre financier prévu pour la société promotrice exclut tout risque de participation publique pour une quelconque couverture de perte. »
En octobre 2006 se terminait le feuilleton Bernie (Ecclestone) and friends.
Le 12 octobre dans l’article « Grand prix F1 : c’est signé ». Wesphael (Ecolo) déclarait « Une fois de plus on se moque des Wallons en faisant croire à un Grand prix à petit prix. Vous pouvez calculer comme vous voulez, l’addition finale est toujours la-même, 77 millions d’euros (pour le contrat de 2007-2010) c’est inacceptable pour les deniers publics. »
Aujourd’hui, les partis, comme un seul homme, se réjouissent, tout comme les sociétés qui gèrent le circuit et ses à-côtés, de ce magnifique chantier wallon.
Au même moment où les gouvernements de la planète prennent enfin conscience des périls dus à la pollution, les responsables wallons eux se félicitent des dizaines de millions dépensés pour un spectacle bientôt anachronique. Mais tout le monde ne se pâme pas devant « cette immense étendue d’asphalte… » décrite dans l’article du 9 mai 2007 : Une vitrine prête à briller.